NocMig, c’est quoi ?

Des Blongios nains en nombre au Défilé de l'Ecluse. Des Chevaliers guignettes et sylvains, des courlis, des Gallinules poule d'eau et de nombreuses Grives mauvis au-dessus de la ville de Genève. Des observations étonnantes surgissent ces dernières années dans les bases de données.

Elles tiennent au suivi acoustique de la migration nocturne (méthode de recherche que l’on peut abréger par NocMig ou NFC pour "nocturnal fly call", pour décrire les cris qu'on y entend). Une part importante (deux tiers) des migrateurs vole de nuit. Ils profitent de plusieurs avantages :

  • le jour est mis à profit pour s’alimenter ;

  • les conditions de vol sont plus favorables la nuit (air frais et dense, moins de turbulences, moins de vent) et limitent les dépenses énergétiques ;

  • la température est plus fraîche et l’air plus humide, ce qui est favorable pour la condition physiologique des oiseaux.

Durant leur voyage, les migrateurs nocturnes émettent des cris de contact, plus ou moins nombreux selon les espèces. Ceux-ci peuvent être détectés par des méthodes d'enregistrement passives, profitant du calme relatif de la nuit (peu d'activités anthropiques ni d'oiseaux locaux qui encombreraient l’enregistrement). Pour cela, un enregistreur et un micro (externe ou intégré à l’enregistreur) sont disposés durant toute la nuit en direction du ciel et enregistrent en continu dans les fréquences émises par les oiseaux. Selon le but visé et les moyens à disposition (enregistreur mono ou stéréo), la capacité de détection variera et permettra ou non, dans le meilleur des cas, d’évaluer le sens de vol de l’oiseau (en cas de différence entre deux micros enregistrant en stéréo).

Une fois la nuit enregistrée, vient alors la tâche la plus laborieuse mais aussi source de mystères et de potentielle bonne surprise : rechercher les sons captés pendant la nuit. Pour cela, on utilise un logiciel tel qu’Audacity, qui permet de convertir les sons en sonogrammes, transcription visuelle de l’enregistrement. Il s’agit alors de rechercher visuellement les « anomalies » dans le sonogramme, qui signaleraient la présence d’un cri.

Ensuite, à l’écoute et grâce à la forme du sonogramme, l’identification de l’espèce peut être envisagée. En effet, si les programmes avec intelligence artificielle (IA) tels que Birdnet ou Merlin BirdID deviennent assez habiles pour reconnaître chants et quelques cris diurnes, il est plus difficile d’isoler et d’identifier les faibles cris de la migration nocturne, dont on a aussi peu de données pour alimenter l’IA. Pour s’aider, on s’orientera vers le livre « La migration nocturne par le son », qui présente les sonogrammes typiques des principales espèces détectables dans nos régions, ou vers les forums (xeno-canto.org ou réseaux sociaux), où la collaboration fonctionne bien.

Sonogramme du cri du Chevalier sylvain - Ecouter

Sonogramme du cri de la Grive mauvis - Ecouter

Sonogramme du cri du Courlis cendré - Ecouter

Sonogramme du cri du Chevalier guignette - Ecouter

Astuce : munissez-vous d’un casque ou augmentez le volume sonore pour écouter ces cris très discrets !

Outre la découverte de données inattendues et passant inaperçues par d’autres méthodes (Blongios nain, Œdicnème criard, Bruant ortolan, …), le suivi acoustique nocturne permet de compléter les données de radar pour l’étude de la migration nocturne.

On peut citer comme exemples une étude en cours de la Station ornithologique suisse sur la pollution lumineuse, qui cherche à connaître quelles espèces migrent au-dessus des sites étudiés, et si les oiseaux vocalisent plus ou moins au-dessus de zones fortement éclairées (Station Ornithologique Suisse, Avinews août 2023). Mais aussi l’étude de la diversité d’espèces traversant les Pyrénées via les cols ou au-dessus des sommets (Sallé L., P. Coiffard, H. Pontalier, Suivi acoustique de la migration nocturne dans les Pyrénées centrales à l’automne 2021, Ornithos n°30-3 mai-juin 2023).

En outre, le suivi de la migration au Défilé de l’Ecluse s’accompagne cette année d’un suivi nocturne, dont les résultats peuvent être consultés quasiment au jour le jour ici : https://www.trektellen.nl/site/totals/3658/2023?language=french

Pour de plus amples informations, vous pouvez consultez :

 

Précédent
Précédent

Biodiversité à l’Aéroport de Genève

Suivant
Suivant

Bird Race 2023 : Compte-rendu de l’équipe « Genevois pas tout »