Nourrir les oiseaux en hiver, oui mais…

Mettre de la nourriture à disposition des oiseaux en hiver est une pratique courante. D’ailleurs, beaucoup d’entre-nous ont commencé à observer les oiseaux de cette façon ! Cependant, malgré la proximité d’observation et l’impression d’aider les oiseaux à survire à l’hiver, cette pratique mérite réflexion. En effet, les inconvénients sont nombreux…

Maladies et contamination

Les mangeoires peuvent devenir des points de transmission de maladies entre les oiseaux, en raison de la proximité des individus. La trichomonose, la gale des pattes, la poxvirose et la salmonellose, maladies virales ou bactériennes, en sont des exemples. Un nettoyage régulier des mangeoires (et des abreuvoirs en été) tend à diminuer les risques de transmission.

Nourriture artificielle peu adaptée…

Chez la Mésange bleue, il a été démontré que l'apport de graisse en hiver s'est traduit par une masse relative du jaune d’œuf (vitellus) plus faible dans des œufs plus volumineux et par des concentrations réduites de caroténoïdes dans le jaune chez les reproducteurs précoces (Plummer et al., 2013). À contrario, ces effets n'ont pas été observés chez les oiseaux ayant reçu de la graisse et de la vitamine E. Ces résultats indiquent que le nourrissage hivernal peut avoir des conséquences importantes en aval, en particulier en affectant l'investissement dans la production d'œufs. Ainsi, le nourrissage n’est pas toujours bénéfique au niveau de la population et les impacts écologiques peuvent dépendre de la qualité nutritionnelle spécifique des aliments choisis. Cette étude est un bel exemple d’une pratique qui a pour but d’aider les oiseaux individuellement mais qui peut avoir un effet délétère à l’échelle de la population.

Modification de l’horloge interne

Le rythme de biodiversité est dicté par les changements environnementaux au fil des saisons. Les périodes d’abondance et d’insuffisance donnent le tempo au cycle de vie des espèces. Robb et al. (2009) ont montré que des Mésanges bleues nourries en hiver avancent significativement leur date de ponte. Ainsi, les jeunes peuvent être au nid avant la période de disponibilité maximale de nourriture naturelle. L'incubation et l'élevage de la couvée pendant les périodes de faible disponibilité alimentaire peuvent alors entraîner une diminution de la survie des adultes (car ils passent plus de temps à chercher de la nourriture) et des jeunes (moins de nourriture rapportée au nid). De cette manière, les mangeoires peuvent avoir un effet délétère sur le succès de reproduction et la survie lors du printemps.

Altération de la sélection naturelle ?

Les conditions difficiles dans la nature ont souvent pour effet d’éliminer les individus les moins adaptés. Ainsi, les individus disposant de caractères qui leur donneraient un avantage ont plus de chance de survivre, de se reproduire et donc de transmettre ces traits avantageux. C’est ce qu’on nomme simplement la sélection naturelle. L’apport de nourriture en hiver freinerait cette sélection et pourraient changer la structure de la population reproductrice de sorte que les individus en relativement mauvaise condition phénotypique seraient capables de survivre et de devenir des reproducteurs (Plummer et al., 2013). Ainsi, des caractères désavantageux par rapport à des conditions naturelles peuvent être transmis de façon héréditaire.

Un bon exemple est l’étude de Mindy Weisberger (2017) qui a récemment étudié les variations génétiques chez la Mésange charbonnière en examinant plus de 3’000 oiseaux du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Elle a découvert une divergence génétique entre les populations des deux pays, qu’elle a associée à la forme du bec. Après avoir consulté des collections de musées et des ensembles de données concernant la population britannique sur une période de 26 ans, elle a confirmé que le bec des mésanges britanniques était non seulement plus long que celui des mésanges néerlandaises, mais qu'il s'était considérablement allongé au cours des dernières décennies.  La raison est probablement la présence généralisée de mangeoires au Royaume-Uni. Ces oiseaux au long bec sont donc plus adaptés pour se nourrir dans les mangeoires. Mais le sont-ils vraiment pour s’alimenter dans leur environnement naturel ?

Aubaine pour les prédateurs

Les mangeoires pour oiseaux peuvent attirer des prédateurs. Il faut bien imaginer qu’une abondance de ressources pendant une période de disette attirera un grand nombre de proies potentielles… comme un point d’eau dans le Kalahari attirera des antilopes et, par conséquent, leurs prédateurs carnivores. Certains prédateurs naturels (Épervier d’Europe par exemple) ou les chats domestiques peuvent être une menace pour les oiseaux regroupés autour d’un point de nourriture.

Cette petite liste n’est pas exhaustive. Même si nourrir les oiseaux en hiver peut être bénéfique pour eux en période de besoin, offrant de belles opportunités d'observation, cela doit être fait avec précaution pour éviter les inconvénients potentiels à l’échelle des populations. Si vous choisissez de nourrir les oiseaux, assurez-vous de le faire de manière responsable. N’hésitez pas à consulter les bonnes pratiques !

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