Bonne nouv’aile : Le Martinet pâle est à Genève !

Après l’Hirondelle de rocher en 2020, une nouvelle espèce fait son apparition dans le canton

Le Martinet pâle - espèce qui vit principalement au sud de l'Europe - est une version méditerranéenne du Martinet noir. Difficile à distinguer de son proche cousin, le Martinet pâle a néanmoins un cri différent et, grâce à une bonne lumière,  il paraît plus pâle. Sa biologie diffère aussi de celle du Martinet noir. L'espèce est connue comme nicheuse en Suisse sur l’église San Antonio de Locarno au Tessin et cette année, sa présence a aussi été prouvée à Brigue (en Valais).  A Genève, elle avait été observée qu’une seule fois en automne 2020.
Cette année, c'est un jeune ornithologue du crû, Bastien Guibert, et qui plus est membre fondateur du GOBG, qui a fait cette belle découverte, dont il nous narre ici en primeur le déroulement.

"Le samedi 9 juillet 2022 au petit matin, je suis en chemin pour une excursion en montagne, pour laquelle j’ai rendez-vous à Bernex. Je sors de mon premier bus à Rive, et avant de reprendre un tram pour la place Bel-Air, j’essaie de trouver de quoi me sustenter pour la journée, ayant oublié le pique-nique. Je trouve un sandwich, pas donné, dans une des rares boutiques ouvertes à cette heure matinale, et mon attention est attirée par un cri de martinet qui me fait penser à un pâle. Il faut dire que j'étais revenu quelques semaines auparavant d'un voyage en Croatie, où j'avais pu profiter longuement d’une belle colonie de cette espèce, bloqué par des travaux dans la ville de Zadar…

J’avais encore leur cri fraîchement imprimé dans l'oreille. Je vois alors un Martinet pâlot rentrer dans un store, mais l’observation est très furtive. Etant à moitié endormi, je me dis " j'hallucine", probablement un effet post-voyage, et reprends le tram suivant pour la place Bel-Air, en gardant en tête de repasser dans le coin un jour, si j’y pense. Je change de tram à Bel-Air avec quelques minutes de battement, et coup de tonnerre, j'entends à nouveau ce cri ! Cette fois bien distinctement et à plusieurs reprises… ce sont plusieurs oiseaux qui se manifestent, mais ils volent haut. Je me dis "il y a un truc de louche! » Deux observations à quelques arrêts de transports publics le même jour...
Le doute me hante pendant tout le week-end en Valais. Avais-je rêvé? Les Martinets noirs avaient-ils appris à parler comme leurs cousins ? Il fallait que j'en aie le cœur net et une documentation solide, avant d’annoncer un scoop comme la présence de Martinets pâles à Genève…

Le lundi 11 juillet 2022, je repasse à la place Bel-Air en milieu de matinée ; les oiseaux sont toujours là (ouf !) mais volent à nouveau haut. Ce n’est que le 12 juillet à l’aube que je parviens enfin à faire de bons clichés ; le diagnostic se confirme, photos et enregistrement des cris à l'appui ! Par souhait de rigueur, je demande encore un regard extérieur auprès d’autres experts qui sont du même avis : le Martinet pâle est vraisemblablement installé à Genève ! La nouvelle est ensuite publiée sur ornitho.ch.

Les Martinets semblent chercher des endroits derrière des stores dans les bâtiments dont ils rentrent et sortent de façon régulière. Je me demande s’ils sont en train de nicher ou cherchent simplement à s'installer. C'est une espèce qui arrive tôt et repart plus tard que nos martinets locaux (les noirs) et qui souvent font une seconde nichée.

En faisant quelques prospections en ville par la suite, j'en ai repéré d’autres du côté de la Promenade des pins et de la Plaine de Plainpalais. Leur répartition à Genève demande encore à être précisée, je pense qu'on trouvera d'autres lieux de nidification dans la cité de Calvin, ça vaudra la peine d'y être plus attentif et de garder l'œil ouvert."

Beaucoup de questions restent ouvertes

  • Est-ce que c'est la première année que cette espèce méridionale niche à Genève (nidification confirmée le 31 août par le COR) ou est-elle ici depuis plusieurs années, mais passée inaperçue car difficilement reconnaissable pour les profanes (et les autres aussi !) ?

  • Est-ce un effet du réchauffement climatique ? C'est en effet une espèce qui remonte très lentement depuis le sud mais les colonies les plus proches se trouvent encore au sud de la France (sauf celles des deux autres lieux connus en Suisse).

  • Est-ce que ces Martinets sont pâles ou à moitié ? En effet, selon une étude récente qui a démarré en Corse, le Martinet pâle aurait tendance à s’hybrider avec le Martinet noir. A Fribourg par exemple, les résultats de prélèvements sur des Martinets noirs démontrent des traces d’hybridation (lire l’article).

Quoi qu’il en soit, le GOBG vous tiendra au courant au fur et à mesure des nouvelles découvertes concernant cette fascinante nouvelle espèce nicheuse pour le canton. Et de votre côté, gardez l’oreille tendue et l’œil ouvert en Ville de Genève !


Références : Station ornithologique de Sempach

Photos : ©Christian Huber et ©Bastien Guibert

Précédent
Précédent

De saison : la pose de filets dans les vignes

Suivant
Suivant

16 juillet 2022 : Les nicheurs du plateau d’Anzeindaz