Rhône, de la Jonction à Verbois

Genève, Vernier, Aire-la-Ville GE, 491-498/116-117, 370 m

 

Le Rhône genevois constitue un secteur d’importance internationale pour l’hivernage des oiseaux d’eau. Des milliers de canards s’y reposent à la saison froide, ce malgré la descente quotidienne de la barge amenant les déchets ménagers de Genève à l’usine d’incinération des Cheneviers à Verbois.

Depuis l’interdiction de la chasse en 1974, les 12km de fleuve qui séparent la Jonction et le barrage de Verbois ont rencontré un succès croissant pour les oiseaux. Le Rhône genevois, tout comme la Rade, sont classés OROEM par la Confédération et font ainsi l’objet de comptages chaque mois d’octobre à mars. Au début des années 2000, le Rhône hébergeait plus de 20’000 canards au cœur de l’hiver, dont une forte majorité de Fuligules morillons pour qui il constitue un site d’hivernage d’importance internationale. Comme ailleurs en Suisse, leur nombre est en diminution et le fleuve genevois ne comptait ces derniers hivers «plus que» 5’000 canards environ.

En période de nidification, les berges du Rhône forment un cordon boisé sauvage et inaccessible où se réfugie une faune riche et diversifiée. Les terriers de renards et de blaireaux sont nombreux, et plusieurs espèces de reptiles et d’amphibiens hantent les forêts riveraines et le fleuve luimême. Les Milans noirs sont omniprésents sur le secteur, cerclant incessamment au-dessus des arbres. La Buse, l’Autour et les Faucons crécerelle et hobereau sont des nicheurs peu communs. De nombreuses espèces de passereaux (Pinson, Pouillot véloce, Troglodyte, mésanges de différentes espèces, etc.) profitent du calme des rives du Rhône pour se reproduire. Le Loriot d’Europe se cantonne ici et là, notamment au bois de Planfonds et au bois de Fonds. Les Pics épeiche et vert sont tous deux fréquents, alors que les Pics épeichette et mar sont moins courants, mais possibles sur tout le secteur.

Le Grèbe castagneux niche en faible nombre le long du Rhône et les variations du niveau de l’eau lui causent de nombreuses pertes : nids, poussins ou œufs sont emportés par le courant ou mangés par les prédateurs qui ont ainsi un accès facile au nid. Le Grèbe huppé est surtout cantonné aux dernières roselières (à Verbois et Aïre par exemple). Le Héron cendré, facilement observable toute l’année, se regroupe en petites héronnières qui, sur le secteur qui nous intéresse, comptent une dizaine de couples. La Nette rousse se reproduit aussi le long du Rhône, en effectifs restreints, tandis qu’un couple de Tadornes de Belon occupe parfois la retenue de Verbois. Ce site est aussi celui des Sternes pierregarins qui, dès avril, prennent possession des trois radeaux spécialement mis à leur disposition en amont du barrage. Le premier radeau a été installé en 1979 et les Sternes s’y sont reproduites à partir de 1980. Les suivants ont été inaugurés en 1993 et 2003. Les effectifs de la colonie fluctuent d’une année à l’autre, subissant diverses pressions (prédation, concurrence avec le Goéland leucophée, vidanges du barrage, etc.) mais s’approchent la plupart du temps d’une cinquantaine de couples nicheurs.

Le Martin-pêcheur est sans conteste l’oiseau phare du fleuve, mais est très discret et difficile à observer. Quelques couples se reproduisent encore dans les petites falaises le long du Rhône. Les roselières abritent quant à elles de nombreux couples de Rousserolles effarvattes. Du côté des rapaces nocturnes, la Chouette hulotte est commune et le Hibou moyen-duc est présent mais plus rare.

Durant la période de migration, le barrage de Verbois accueille de nombreux oiseaux migrateurs intéressants, particulièrement au printemps. Presque toutes les espèces de laridés (mouettes et goélands) et de sternes peuvent y être vues. Chaque printemps voit défiler son lot de surprises et votre visite du site vous permettra peut-être d’observer une Guifettes noire ou moustac, une Sterne caspienne ou caugek. Les ardéidés sont un peu moins nombreux : l’Aigrette garzette et la Grande Aigrette sont régulières, le Héron gardebœufs et le Crabier chevelu plus rares, ce dernier s’arrêtant parfois sur les bois flottants devant le barrage.

Ces mêmes débris véhiculés par le Rhône et ses méandres se retrouvent bloqués par le barrage et servent de support en période de migration d’automne à plusieurs limicoles. Tous les quatre ans, c’est la vidange du barrage, mettant à nu une importante zone de vase, qui vient satisfaire les trotteurs de grèves. En plus du Chevalier guignette, présent presque toute l’année sur la totalité du tronçon, le Chevalier sylvain et le Bécasseau variable s’arrêtent volontiers sur les tapis flottants afin d’y trouver de la nourriture. Le Chevalier culblanc et le Vanneau huppé y font parfois escale, plus rarement encore l’Échasse blanche. Un Phalarope à bec large a même fait son apparition en janvier 2012, de même qu’un Chevalier stagnatile en avril 2019.

Ce lieu se trouve également sur un passage de migration des rapaces (prénuptiale et postnuptiale). Un œil avisé sur le ciel permettra certainement l’observation d’un Busard des roseaux ou autre oiseau de proie en direction de Fort l’Écluse. Un vol de Cigognes blanches n’est pas non plus à exclure et, pourquoi pas, un Circaète Jean-le-Blanc. Un autre bon point de vue pour suivre la migration concerne les hauts du village de Peney. En mars, les premiers Milans noirs s’arrêtent souvent en nombre dans les arbres en contrebas, et le dortoir en fin de journée peut comptabiliser plus de 300 individus.

En période d’hivernage, le Rhône de la Jonction à Verbois héberge de nombreuses espèces d’anatidés et d’oiseaux aquatiques en tout genre : Grèbes huppé et castagneux, Grand Cormoran, Héron cendré et Canards colvert, siffleur, souchet et chipeau (ce dernier majoritairement entre Peney et Verbois ; près de 350 individus ont été recensés en janvier 2017 sur tout le secteur). La Sarcelle d’hiver et le Harle bièvre sont eux aussi présents en nombre. En plus des très nombreux Fuligules morillons déjà évoqués, surtout présents entre Planfonds et Verbois, le Rhône accueille chaque hiver quelques centaines de Fuligules milouins. Un passage en revue de ces groupes vous apportera peut-être une observation d’un Fuligule nyroca ou milouinan mêlés à leurs homologues. Parmi ces mêmes groupes ont déjà été observées quelques raretés, comme le Fuligule à tête noire (Planfonds en 2017) et la Harelde boréale (Planfonds et aval en 2008, 2015 et 2019). Hormis les anatidés, les Bergeronnettes grises et des ruisseaux, le Cincle et le Martin-pêcheur animent le fleuve en petit nombre durant les mois d’hiver. Le Butor étoilé séjourne parfois dans les dernières roselières bordant le Rhône (Verbois, Planfonds et celle se situant en amont du pont de Peney). Occasionnellement, des oiseaux plus nordiques peuvent être observés : Garrot, Macreuse brune, Harle huppé, Harle piette et Plongeon catmarin.

Pour récapituler, voici les espèces-phares de chaque site le long du Rhône :

• Amont de la Jonction jusqu’au barrage du Seujet : nombreux Harles bièvres en hiver, Nette rousse, Canard chipeau. Colonie de Héron cendré au bois de la Bâtie, tout proche.
• STEP d’Aïre : Héron cendré et Martin-pêcheur (nicheurs), Canard chipeau.
• Chèvres : petite roselière avec Râle d’eau et Martin-pêcheur, quelques fuligules dont le nyroca en hiver. Pic mar occasionnel.
• Planfonds : observatoire donnant sur le Rhône avec nombreux fuligules, occasionnellement le milouinan. Butor étoilé dans la roselière et Loriot d’Europe dans le bois en aval de l’observatoire.
• Peney et embouchure du Nant d’Avril : bonne diversité de canards hivernants (Chipeau, Souchet et Siffleur notamment). Tadorne de Belon fréquent. • Retenue du barrage de Verbois : meilleur site pour les limicoles et laridés durant les périodes de migration ainsi que pour les canards durant l’hiver. Radeau à Sternes pierregarins et bon point de vue pour suivre la migration automnale.

Accès

En train, le barrage de Verbois peut être atteint avec le Rhône Express Régional (RER), au départ de la gare Cornavin (voie 5). Descendre à l’arrêt Russin (ou Satigny si vous voulez marcher un peu plus), prendre la route traversant les voies CFF et descendant le long du Rhône, suivre celle-ci sur la gauche jusqu’au barrage de Verbois, en passant à côté des Teppes du Biolay.

En bus, prendre le tram n° 14 à la gare Cornavin (sous les voies de chemin de fer) jusqu’à l’arrêt «Confignon-Croisée» et emprunter le bus en direction de «Satigny Gare». Descendre à l’arrêt «pont de Peney » à Aire-la-Ville. Attention aux horaires, les bus de campagnes ne sont pas très réguliers, d’autant plus les jours du week-end. De là, observez du pont lui-même, en amont et en aval. Vous pouvez aussi vous rendre à l’embouchure du Nant d’Avril, de l’autre côté du pont sur la gauche. Juste en aval de l’arrêt de bus, en rive gauche, vous pouvez emprunter un chemin qui longe le Rhône, permettant de belles observations d’oiseaux hivernants.

Les sites de Verbois, du pont de Peney, Chèvres et de la Jonction sont atteignables en voiture. Laissez votre véhicule le long du Rhône et déplacez-vous à pied. Il est possible de laisser sa voiture sur le parking des SIG à Verbois. Un chemin longe la rive gauche du fleuve depuis le pont Butin jusqu’à la frontière française.


D’après ©Les Bons Coins ornithologiques de Suisse Romande 2021 - Groupe des Jeunes de Nos Oiseaux
Texte de Alexandre Meisser (adapté de Cyril Schönbächler & Martina Stierlin)

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